lundi, décembre 05, 2011

HENNEBONT-PARIS (6)

Étant l'unique ouvrier de la cellule de mon quartier, le secrétaire me confia le soin de présenter et commenter la "thèse" de Maurice Thorez ! Je me souviens avoir eu beaucoup de mal à la justifier; au contraire, je ne pus dissimuler mon scepticisme. Je ne trouvais pas mes camarades d'atelier "malheureux", et ayant appris ou compris que j'étais un nouveau militant du parti, les anciens (qui l'avaient quitté) venaient "mettre au parfum" ce jeunot qui avait le don de les écouter, en lui racontant l'incroyable comportement des cadres du parti à la Libération ! Lorsque Thorez, alors Ministre dans le gouvernement du Général de Gaulle, avait donné le mot d'ordre de "produire plus", les responsables du Parti, qui contrôlaient l'usine, avaient instauré le chronométrage sur chaque machine, et souvent, le "chrono" était lui-même un membre du Parti ! Bref, c'était du stakhanovisme - comme en URSS ! "Ils ne nous écoutaient même pas", "le Parti ne se trompe jamais, le Parti a toujours raison", "ah ça, combien de fois ils nous l'ont rabâché cette phrase-là "! J'étais sidéré, je découvrais que parmi les ouvriers, le parti avait beaucoup d'adversaires. "Et la grève Renault ? La grande grève de 1947 ? Ils l'ont combattue, ils montaient à la cantine pour nous dire "qu'il ne fallait pas la suivre parce qu'elle avait été déclenchée par des ennemis du Parti, des trotskystes qui voulaient que le PC quitte le gouvernement ! Et puis, deux jours plus tard, les voilà qui nous tiennent un autre discours ! Camarades, il faut rejoindre la grande grève Renault, et hop, de décréter la grève à la SNECMA, comme ils avaient l'habitude de le faire en appuyant sur un bouton". Et les titistes ? Combien ont été exclus du parti parce qu'ils donnaient raison aux Yougoslaves ! Et tu vois maintenant, ils disent qu'ils se sont trompés ! Y a pas que là qu'ils se sont trompés, crois moi !" Les anciens exhalaient leur rancoeur, et prenaient leur revanche, le "jeunot" les écoutait, lui ! J'avais constitué une cellule d'équipe avec quelques jeunes, et nous nous réunissions hors de l'usine, dans le local du Parti, si bien que j'appartenais à deux cellules fort différentes l'une de l'autre, mais toutes deux baignant dans un environnement contestaire. Car, soudainement, se présentaient dans la cellule de mon quartier... des camarades égyptiens qui fuyaient le régime du colonel Nasser ! (à suivre). 

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