mercredi, avril 02, 2008

LE DÉLIRE ASHKÉNAZE/SÉPHARADE EN MAI 68 (3)

Il est bien évident que ces "grandes stratégies" échappèrent à l'opinion plongée, en ce temps-là, dans les difficultés quotidiennes de l'existence et de la reconstruction. Pour en avoir un écho, il fallait bien sûr être membre, soit du parti communiste, soit du parti socialiste. Et plus précisément à Paris, où les Juifs étaient nombreux dans ces deux partis "frères". En province, excepté peut-être dans les grands ports où se déroulaient l'action contre la guerre d'Indochine et la mise en place de "l'opération Exodus" - cette dernière avec le soutien des organes de presse régionaux - on ne les percevait pas. J'en ai eu, personnellement, un écho après coup, lorsque, entré à la SNECMA, en 1955, les anciens du Parti me racontèrent (moi qui étais disposé à les écouter, ce que ne faisaient plus les responsables du PC) les étonnantes années de la Libération et de l'immédiat après guerre, avec les Ministres communistes au gouvernement, dont Charles Tillon, "leur" ministre de l'Air (et de la SNECMA !). L'incompréhension régnait à propos de ces années encore fraiches, épisode conclu (en 1950) par un spectaculaire lock-out de l'usine, et les chars sur le boulevard Kellermann, envoyés par le ministre (socialiste) de l'intérieur Jules Moch ! Souvent j'entendais dans leur bouche "Nous avons été sacrifiés". Ce qui expliquait leur rancoeur. Ils mettaient en cause "la politique de Moscou" et le "suivisme aveugle" du PCF. Je l'ai déjà dit, c'est au parti communiste que j'ai "découvert" l'existence des "juifs". Et cela me semble significatif. Le "communisme", dès le départ, ne pouvait que les attirer. Lorsque Marx disait "les prolétaires n'ont pas de patrie", eux entendirent "les Juifs n'ont pas de patrie", ce qui était vrai du temps de Marx, sauf que les États allemands, unifiés par Bismarck, accouchèrent d'un formidable État national qui devint ipso facto"leur"État. La suite, on la connaît. Ce qui me permet de remonter jusqu'à l'Occupation que j'ai vécue enfant, en Bretagne. Lors d'une discussion assez vive avec des soldats allemands, entrés dans le jardin, j'entendis l'un deux proférer avec un accent teuton :" Juif... pas français !". Pourquoi cette sentence injurieuse balancée devant ma grand-mère dans son tablier breton, et la coiffe ? Je me perds en conjectures... Etait-ce parce qu'ils venaient d'en face, de cette grande villa réquisitionnée par les Allemands, et que l'un d'eux avait eu vent de la "dénonciation", et de l'enquête en cours ? Je ne saurais le dire, et sans doute le saurai-je jamais. Ce n'est que bien plus tard que mon frère aîné m'apprit que nous avions été dénoncés comme juifs ! En tout cas, les "juifs" sont entrés dans ma vie... sous l'Occupation ! (à suivre).

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