Au retour, dans l'atelier, évidemment les "anciens" m'attendaient avec impatience, et, le sourire en coin, goguenards, ou hochant la tête avec commisération, " Tu vois, ça continue, les dirigeants du parti déconnent, ils collent au train des socialos". Alors moi, comme un jeune con, je défends la politique du Parti, je répète bêtement ce que nous raconté le prof : le compromis, l'art de faire un compromis comme Lénine"! Le ton monte, on échange de mauvais arguments, et à ma grande stupeur, l'un de mes contradicteurs, que je connais bien, un ancien du Parti, le plus virulent, visiblement à bout devant mon aveuglement, me lance:" Sale juif !", avant de partir, un peu gêné, me semble-t-il. J'en reste coi, déboussolé, je n'ai pas compris son insulte, mais je viens d'entrevoir, d'un coup, "ce qui s'est passé à la Libération" entre le parti communiste et les travailleurs : un divorce, ressenti comme une trahison par ceux qu'il prétendait défendre. Mais ce divorce n'avait-il pas eu lieu en fait, dès 1939, lorsque Staline s'était entendu avec Hitler pour se "partager" la Pologne et l'Europe centrale ? Et, si nous remontons aux sources, ne s'était-il pas produit dès le début de l'URSS, lorsque Staline prétendit construire le socialisme (sic) en un seul pays ?
L'heure de vérité s'approchait à grands pas : en février 1956, lors du XXe Congrès du PC soviétique, Khrouchtchev, dans un rapport secret dénonça une (infime) partie des crimes de Staline, en les attribuant (le gros malin) au "culte de la personnalité" ! C'est le journal Le Monde qui publia, quelque temps plus tard, ce rapport prononcé à huis clos devant les délégués et les représentants des partis étrangers, dont le nôtre ! Et pourtant, ils passèrent leur temps à nier l'existence de ce rapport... fabriqué, selon eux, par la CIA ! Et pourtant, ce rapport, de toute évidence, improvisé par un dirigeant, visiblement heureux de pouvoir enfin révéler un petit bout de la vérité sur le monstre qui avait plongé la Russie dans la terreur et le goulag, ne mentait pas, lui !
J'adressai une lettre au Comité Central pour lui demander de réhabiliter le "camarade" Tito, et de soutenir Khroutchtchev contre les Staliniens. Une rude bataille opposait les deux clans au sommet du parti, et l'on sentait bien que les staliniens le contrôlaient encore. Pour moi, ça n'était plus possible : pour réconcilier la classe ouvrière avec le parti, la dénonciation du stalinisme était un préalable ! (à suivre)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire