"Tout débute à Francfort : la Bourse de la ville, déjà prééminente dans l'Allemagne du 18e siècle, se développe encore davantage dans la décennie qui suit Waterloo... La plus influente banque juive de l'époque, la banque Speyer, fondée en 1794, dispose bientôt de succursales familiales dans toute l'Europe. Une autre banque, celle de Joseph Mendelssohn, est fondée en 1795. Salomon Oppenheimer ouvre la sienne à Cologne en 1801. Samuel Bleichröder en fonde une autre à Berlin en 1803. Toutes pratiquent le change, les prêts à long terme aux États, la gestion des fortunes des princes, des marchands et des armateurs. Rarement encore des prêts aux industriels. Encore moins des fusions.
"Les plus influents seront bientôt les Rothschild, qu'on a laissés en 1797, date à laquelle Mayer Amschel est devenu l'un des tout premiers antiquaires et numismates de Francfort. Il est déjà, cette année-là, l'un des dix hommes les plus riches de la cité. Depuis sa maison du ghetto, il commerce avec des antiquaires renommés à Berlin, Vienne, Amsterdam, Paris et Londres, et avec le landgrave de Hesse-Cassel, Guillaume IX, à qui il prête de quoi acheter objets et pièces, avant de s'imposer peu à peu comme son principal conseiller financier. En 1798, il envoie son deuxième fils, Nathan, le plus brillant à Londres pour le représenter. Si l'aîné, Amschel Mayer, reste à ses côtés à Francfort, Rothschild a compris que l'avenir du marché financier est à Londres. De ce choix va découler la suite de l'histoire de la famille". (p.367-368)
"En 1806, quand les armées françaises pénètrent en Hesse et libèrent le ghetto de Francfort, le Grand Électeur confie à Mayer Amschel Rothschild des titres, des pièces et des bijoux à dissimuler dans les catacombes de la ville, dont les Juifs connaissent les moindres secrets pour les avoir utilisés au fil des siècles pour fuir le ghetto quand il était attaqué. Dénoncé, Mayer Amschel est arrêté par les troupes de Napoléon, qui ne parviennent pas à lui faire avouer où est caché le trésor princier. A Londres, pendant ce temps, Nathan ouvre une banque; il obtient la nationalité britannique en 1804. L'argent caché par son père à Francfort lui sert à garantir sa souscription de bons du Trésor britannique, qu'il place ensuite partout en Europe. Nathan se fait ainsi peu à peu courtier, plaçant les emprunts que le gouvernement de Londres lance pour financer la guerre. Les commissions, très élevées en raison des risques, font à la fois la puissance des Rothschild et celle de Guillaume IX, dont les biens servent de caution aux emprunts anglais. Rothschild père et fils deviennent vite indispensables aux puissances coalisées contre Napoléon : entre 1811 et 1815, ils réunissent même la moitié des financements apportés par Londres aux puissances continentales - d'abord aux Danois, puis à des États allemands -, qu'ils replacent ensuite auprès d'épargnants britanniques. Ils ne sont pas tout à fait les "trésoriers de la Sainte-Alliance" dont parlent à leur sujet certains biographes, mais ils jouent un rôle important dans le financement de la guerre" (p.368) (à suivre).
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