jeudi, avril 30, 2009

ATTALI ET FOFANA : LES JUIFS, LE MONDE ET L'ARGENT (6)

Après leur expulsion d'Espagne (1492) et du Portugal (1496), les Juifs se dispersent tout autour de l'Atlantique et de la Méditerranée. Avec ceux qui se convertissent (les conversos) et ceux qui font semblant (les marranes) la diaspora va connaître son âge d'or en raison de son installation dans tous les ports qui vont se livrer, dès le début du 16e siècle, au "commerce triangulaire". A Amsterdam, Hambourg, Anvers, Londres, dans le sillage des Hollandais et des Anglais, au sud, avec les Espagnols et les Portugais, sans oublier Venise, Gênes, et bien sûr dans tout le sud-ouest français, La Rochelle, Bordeaux, Nantes, Lorient, les Juifs sont partie prenante dans l'activité économique maritime qui relie l'Ancien Monde au Nouveau Monde. Là-dessus, Jacques Attali est très clair :"En 1648, sur les douze mille habitants européens du Brésil hollandais, on dénombre mille quatre cent cinquante Juifs, presque tous installés à Recife. Certains d'entre eux, raffineurs de sucre ou courtiers, acquièrent de grandes plantations de canne dans la vallée de Pernambouc. D'autres jouent un rôle significatif dans le commerce des esclaves qu'ils achètent aux bateaux de la Compagnie des Indes pour les revendre à crédit aux planteurs, à un prix très élevé, moyennant de surcroît un intérêt de 3 à 4% par mois, payable à la récolte de la canne. Leurs profits sont parfois de 300% par tête. Ils jouent un tel rôle sur ce marché que les enchères aux esclaves n'ont pas lieu les jours de fêtes juives. En 1648, le gouverneur de Recife, Adriaen Lems, écrit à la Compagnie des Indes :" Les non-juifs ne peuvent prospérer, parce que les Nègres leur sont vendus trop cher et avec un intérêt trop élevé." (p.314).
En Angleterre, d'où ils ont été expulsés en 1290, ils reviennent au lendemain de 1492. " Plus masqués encore qu'à Bordeaux, un petit nombre de conversos s'installent à Londres et à Bristol, où les Juifs sont interdits depuis 1391. Médecins et marchands, on les tolère sans être dupe. On les estime utiles à la diplomatie et à l'espionnage, au double jeu et aux affaires. On sait qu'ils haïssent l'Espagne et on a besoin d'eux comme agents secrets dans la guerre qui s'annonce avec ce pays... En même temps, avec le développement du commerce et de l'artisanat, des mines et de la métallurgie, l'investissement et le crédit deviennent de plus en plus nécessaire. En 1545, dans le bouleversement anglican, Henri VIII autorise le prêt à intérêt - décision que le Parlement refuse de promulguer en 1552. En 1571, le crédit est finalement permis et la noblesse s'y résigne, méprisant ceux qui en font commerce. Cette année-là, un certain Thomas Wilson publie un Discours sur l'usure critiquant "l'intérêt qui peut faire s'effondrer la société en poussant les gens à emprunter". Toujours le même reproche depuis quinze siècles... Pas question encore d'admettre ouvertement des Juifs à Londres (p. 295). (à suivre).

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